jeudi 28 août 2014

"C'est là ce que nous avons eu de meilleur"

Tout à l'heure, j'ai revu une amie. Enfin, je dis ça, on pourrait croire que je l'ai vu il y a longtemps, mais en fait, c'est faux, je la vois souvent.
Et au début de l'été, je la voyais encore plus. Je me souviens de la semaine de révisions du bac. Je passais presque tous mes après-midi avec elle. On en pouvait plus, de ce bac qui n'avait pas commencé. Du coup on disjonctait.
La dinguerie, qu'on appelait ça.
On riait fort. On criait. On courait. Et on riait encore.
On opposait à notre tristesse et notre sentiment d'oppression une euphorie incroyable.
C'était bien, tu sais.
Notre truc, c'était de faire du roller dans la ville aux moments où il n'y a personnes. Et de marcher la nuit. Beaucoup. Le syndrome des semelles de vent. 
Une fois on est allée se baigner habillées dans une rivière. C'était la pleine lune. On s'était dit qu'on y retournerait avant la fin de l'été.
On n'y retournera pas, on le sait toutes les deux.
C'est terminé, ce temps de la dinguerie.
Perdu pour toujours.
C'était le meilleur été de ma vie.

On s'était dit, à la fin du bac, on va manger une pizza, pour fêter la liberté. On a fêté la liberté, longtemps, longtemps.
Cette fameuse pizza du bac, on l'a mangée sur un banc il y a quelques jours. Et puis on est rentrée, tranquille, chacune chez soi.
J'ai pas pu m'empêcher de penser qu'avant on aurait arpenté la ville à pied toute la nuit, qu'on aurait explosé de joie à l'idée d'être libres, qu'on serait allées faire du roller et peut-être même qu'on aurait fait un tour au Claire de Lune.

Tout à l'heure, elle m'a dit "tu sors cet aprem ?". J'étais épuisée, mais j'ai dit oui. Elle a dit "Mrs Dalloway ?" j'ai approuvé. Mrs Dalloway, c'est l'endroit auquel on se retrouvait tout le temps. On l'a baptisé comme ça parce qu'à l'époque je lisais ce bouquin en permanence. On s'est vu. On s'est dit : "c'est terminé, la dinguerie, pour nous. On a fini de vouloir refaire le monde. On est calme.".
J'ai eu envie de dire que j'avais pas envie de l'être.
Mais j'ai rien dit. Parce qu'elle avait raison.
C'est là ce que nous avons eu de meilleur.

Et bientôt, la fac.

vendredi 22 août 2014

T'es bien une bi, toi

Ou le changement capillaire qui fait réfléchir.
En ce moment, j'en avais marre de ma tête.
Très marre de ma tête.
Je me suis fait une frange. C'était moche. J'ai refais mon bleu très néon très indigo sur les bords. Avec la frange en vert.
Devine.
J'en avais toujours marre de ma tête. Pourtant, d'habitude, le fait de me voir avec les cheveux indigos me remplit de joie parce que c'est vraiment la couleur que je préfère sur moi. Le fait d'avoir du bleu et du vert aurait dû me réjouir parce que c'est une idée qui traînait dans mon cerveau depuis pas mal de temps. Mais. ça marchait pas.


Du coup. Je discutais avec deux amis sur facebook. Puis d'un coup, je suis descendue dans la salle de bain, j'ai rabattu mes cheveux d'un côté, j'ai tenu l'arrière avec une pince, j'ai chopé le ciseau, j'ai tenu une grosse mèche entre les doigts et j'ai prié le dieu de la capillarité qui me protège à chaque fois que je fais de la merde avec mes cheveux (non mais je suis sûre que j'ai un ange gardien du cheveux, c'est pas possible autrement, je peux faire n'importe quoi, c'est jamais moche (sauf des fois, j'avoue, mais je rattrape toujours le truc)), et j'ai coupé. Puis j'ai fignolé mon truc, à la barbare, au ciseau (puisque de toute façon j'avais que ça). Et comme c'était pas assez, j'ai repris une mèche pour agrandir la zone concernée, et j'ai recommencé. Et je me suis rendue compte que j'étais très très nulle pour me faire les racines.

Bref, j'ai un sidecut à moitié violet à moitié châtain.
Donc, toute à ma joie d'avoir osé me "raser" un bout de la tête, je vais le crier à des gens, parce que j'aime bien raconter la vie de mes cheveux à des gens (puisque j'aime tellement mes cheveux que je t'en ai fait un article, un jour).
Et là. On me fait la remarque ultime. Pas que c'était moche ou quoi (ça au pire je m'en fous, c'est ma tête et je m'aime beaucoup avec ce petit bout de veuchs tout courts). Non non.
On m'a dit : "t'es bien une bi, toi.". J'ai demandé pourquoi, parce que je voyais pas le rapport, et on m'a répondu : "ah je suis pas totalement lesbienne, je me rase pas toute la tête, ah je suis pas totalement hétéro je garde pas tous mes cheveux longs.".
Alors. Outre la corrélation de merde entre cheveux courts=lesbienne et cheveux longs=hétéro (non parce que sinon ma mère est lesbienne, hein), je me suis dit, parlons donc du statut des bi.

Déjà, quand tu te dis bisexuel-le, tu seras toujours vu comme le gay/l'hétéro qui se cherche.
Euh non. J'ai mis des années avant d'arriver à pouvoir me dire que oui, j'étais bisexuelle. Pour te mettre le truc en tête, je suis un peu attirée par les filles depuis mon enfance, et ça c'est beaucoup beaucoup accentué au collège, principalement à cause d'une personne pour qui j'ai eu un léger coup de coeur (léger, hein. (MENSONGE)). Mais à l'époque, je me disais "non non non j'aime les garçons j'aime pas les filles.". Et en effet, j'aimais les garçons. Aussi.
A l'époque, je ne savais même pas que la bisexualité existait, tellement on n'en parlait jamais, sauf pour me dire que les bi, c'étaient les hétéros qui auraient aimé être homo mais qui n'y arrivaient pas.
C'est en arrivant en première, au lycée, que je me suis rendue compte que vraiment, j'aimais les deux.
Alors oui, effectivement, je me suis cherchée. J'ai longtemps hésité entre le "lesbienne ? Pas lesbienne ? Hétéro ? Pas hétéro ? Putain, mais je préfère quoi ?". Et au final.
Je n'ai pas à choisir.
Je ne choisirai, genre, jamais. J'aimerais toujours autant faire l'amour avec des hommes. Et j'aimerai toujours autant faire l'amour avec des femmes.
Je n'ai pas de préférence.
Je m'en fous carrément.
Même si je ne suis pas pansexuelle parce qu'une femme c'est pas comme un homme et que quand je tombe amoureuse de quelqu'un je tombe amoureuse de lui ou d'elle et de son physique aussi.
Mais j'avouerai que la limite est floue et que je me pose moi-même des question parfois.

Je suis bisexuelle, et j'aimerai qu'on m'accepte. N'allez pas croire qu'il n'y a que les homophobes qui n'acceptent pas les bisexuels. Les homosexuels le font aussi, presque plus que les hétéros d'ailleurs. J'aimerai aussi qu'on arrête de me dire que je ne suis pas bi, juste une fille qui ne sait pas choisir. C'est faux. On ne voit pas l'hétérosexualité comme un choix. On ne voit pas non plus, en tout cas pour la plupart des gens avec un tant soi peu d'ouverture d'esprit, l'homosexualité comme un choix. Alors, si l'orientation sexuelle n'est pas un choix.
Pourquoi les bisexuels devraient choisir ?
Si aimer les filles ou les garçons n'est pas un choix, mais quelque chose qui s'impose. Pourquoi le fait que les deux s'imposent à moi dérange ?

"Les familles heureuses se ressemblent toutes; les familles malheureuses sont malheureuses chacune à leur façon." [Littérature]

Je voulais vous parler de Tolstoï.
Au fur et à mesure que j'écrivais, je me suis rendue compte que 1) ça devenait le bordel 2) c'était vraiment trop long. Donc j'ai tout effacé (et j'ai envie de me pendre) et je vais diviser cet article en trois parties. Ou quatre.
Du coup, je vais vous parler d'Anna Karénine, qui est le premier livre que j'ai lu de Tolstoï.
Et qui est la première oeuvre littéraire massive à laquelle je me suis attaquée. Non parce qu'avant, je m'étais mangé du Zola dans une quantité assez appréciable (maintenant, je l'adore et le déteste. C'est compliqué.), ainsi qu'un peu de Shakespeare et du théâtre classique, mais Anna Karénine, c'était un niveau au-dessus.
Je l'ai senti passer, le niveau au-dessus. Mais après avoir lu, lu, lu et relu L'Elégance du hérisson de Muriel Barbery (ça a longtemps été mon livre préféré)(mais je vous parlerai de mon livre préféré plus tard), il fallait absolument que je découvre Tolstoï. Elle en parlait trop bien. Bon, avec du recul, je me rend compte que je l'ai peut-être lu un peu tôt et que je l'ai pas pleinement apprécié, mais je vais tenter de retracer à travers le souvenir que j'en ai gardé l'intérêt qui dort dans ce bouquin. (d'ailleurs voilà, j'ai envie de le relire à cause de toutes ces bêtises).

La trame centrale, c'est l'histoire d'amour entre Anna Karénine, mariée à Alexis Karénine, tous deux membres de la haute société de St Pétersbourg, et Vronski.
La deuxième trame, un peu moins important mais importante quand même, c'est l'histoire entre Kitty et Lévine (je sens qu'à un moment je vais me planter et écrire Lénine), elle membre de je sais plus quelle société (pardon), lui gentillhomme de la campagne progressiste et un peu humaniste sur les bords (il me semble)(je kiffais bien ce petit Lévine).
Y'a aussi une troisième histoire qui te montre la vie quotidienne d'un couple où la femme est débordée à la maison (Daria), et où le mari (Oblonski, le frère d'Anna) part courir la gueuse tout en lui montrant son amour de temps à autre, mais si je m'en souviens pas c'est que ça a pas trop trop d'intérêt. Ou alors ça en a mais j'ai pas trouvé ça intéressant.

Donc. Prenons la première trame, si vous le voulez bien. L'amour interdit d'Anna pour Vronski. En fait, elle le croise une fois, à un bal, et forcément c'est le coup de foudre. Elle rentre chez elle et elle se persuade de ne pas y penser, mais quand elle le recroise, ses sentiments pour lui se confirment. Du côté de Vronski, ben, c'est un peu pareil, il est fou d'Anna. Sauf que elle, elle est mariée, à Alexis Karénine, un haut dignitaire pétersbourgeois. Alors ils s'enfuient (enfin, il se passe un tout petit peu plus de chose, mais je vous tue suffisamment d'éléments de l'intrigue comme ça), et on se dit, chouette, ça va être beau, ils vont être heureux et s'aimer loin de ces connards de bourgeois russes pas foutus d'accepter un divorce. Sauf qu'en fait, pas du tout, ils vont vivre dans une micro-société en marge du monde, Vronski va souffrir d'avoir perdu la vie mondaine à laquelle il tenait, Anna va souffrir d'avoir perdu son fils, du coup, chacun emmuré dans leur souffrance, ils vont s'entre-déchirer.

Maintenant, la deuxième. Kitty, jeune fille de 18, fait son entrée dans le monde. A cette occasion, Lévine lui déclare son amour. Mais elle le repousse, parce qu'elle aime Vronski (je comprend pas comment il peut emballer autant avec un nom pareil mais soit). Or c'est à ce bal qu'Anna fait la connaissance de Vronski, et Kitty sent bien qu'elle ne fait pas le poids. Quelques mois après, elle revoit Lévine et se rend compte qu'elle n'a aimé que lui. Du coup, ils se marient, et c'est cool.
Tient d'ailleurs, parlons un peu de Lévine. Parce que il a grave la classe, quand même. Déjà, il se pose plein de question à propos de la vie et la mort (thème un peu récurrent chez Tolstoï, on le retrouve au début de Guerre et Paix), ce qui donne une certaine envergure philosophique à l'oeuvre (ce qui la rend assez difficile à aborder parfois). Ensuite, c'est un progressiste, ce qui va permettre à Tolstoï de montrer l'effondrement en cours des structures traditionnelles russes, et en même temps le fait que les russes sont encore très anti-progrès (je me souviens d'une scène dans laquelle il décrit des paysans russes qui refusent de se servir des nouvelles machines, pourtant plus rapides).

Cela étant, malgré les petites pointes de réflexions philosophiques que Tolstoï se plaît à glisser dans son oeuvre (et c'est ça qui est totalement merveilleux chez les russes (ou totalement chiant si vous n'aimez pas qu'une oeuvre vous fasse réfléchir mais que vous voulez juste des histoires distrayantes)), ce roman parle surtout de la difficulté de trouver l'amour : on a deux couples, qui ont la même capacité à être heureux ensemble au départ, à savoir qu'ils sont amoureux. Mais l'un va se détruire à cause de la société et d'une incompréhension qui s'installe peu à peu (Anna et Vronski), tandis que l'autre va prospérer justement grâce aux différences présentes entre les deux parties.

Bref, Anna Karénine n'est pas un mauvais bouquin du tout, loin de là, même s'il convient à un public déjà un peu familier de la littérature classique. Dans le prochain épisode des articles sur Tolstoï, on va parler du tome 1 de Guerre et Paix et ça va être génial. Mais si. Tu verras.

(PS : le titre c'est la première phrase d'Anna K.)

vendredi 15 août 2014

Le choix du meurtre

Ce matin, je me suis réveillée en pleurant. C'est pas la première fois que ça m'arrive, mais ça reste quand même rare. J'avais fait un rêve, j'étais à un repas de famille avec toute la famille du côté de mon père (ce qui fait une centaine de personnes), et l'attraction principale c'était un homme qui tuait les animaux qui allaient être mangé. Et va savoir pourquoi, il tenait à le faire juste devant moi, et on m'expliquait que c'était normal, que les animaux, ils avaient vécu une vie heureuse avant de mourir, qu'ils avaient été élevés pour ça, et que je devais respecter, que c'était la tradition. Je me souviens avoir eu envie de hurler, d'avoir essayé d'expliquer qu'on était pas obligé de tuer des animaux pour vivre, que c'était monstrueux de le faire quand même, mais je pouvais pas parler.
Après, mon père m'a dit "mais regarde, le lapin, il sourit, il est content d'être utile.". Et c'était mon lapin que le gars allait tuer. (non vraiment, la scène traumatisante, je supporte déjà pas qu'on tue des animaux que je ne connais pas, mais...mon bébé Tolstoï, quoi.).
Donc à ce moment là j'ai fondu en larmes et je me suis réveillée.

La plupart du temps, quand je fais un cauchemar et que je me réveille en hurlant/en frappant des choses/en pleurant (oui j'ai des cauchemars violents), je peux me calmer assez rapidement parce que je sais que ce n'est pas la réalité. Là, et bien...bien sûr qu'aucun agriculteur timbré essayerait de tuer mon Tolstoï, bien sûr que personne m'obligerait à regarder l’exécution d'animaux, mais la réalité c'est que, tous les jours, des gens perpétuent le massacre d'animaux alors que c'est inutile.
On peut vivre sans manger de l'animal mort. C'est mille fois prouvé, et ça améliorait énormément de choses (genre la faim dans le monde, la santé des gens...). Alors pourquoi on continue ? C'est tellement illogique.

Et j'en ai marre, de l'espèce d'hypocrisie dans laquelle absolument tout végéta*ien doit s'enfermer. Genre "haha mais non moi je suis pas comme les extrémistes, je refuse le meurtre inutile mais je condamne pas le fait que toi tu manges de la viande.". Si. Si je condamne. Je ne peux pas m'en foutre, tu comprends. Ton choix de manger de la viande, il n'engage pas que toi, il engage l'animal qui est mort dans ton assiette, il engage les kilos de soja produit pour le nourrir et la déforestation qui va avec, il engage tous les crèves-la-faim qu'on pourrait nourrir avec les tonnes de nourriture gaspillées pour élever du bétail, alors non, je devrais pas avoir à fermer ma gueule et à sourire poliment quand je pense "meurtrier" dans ma tête juste pour pas déranger papi-mamie ou plomber l'ambiance du repas.
La plupart de mes amis sont des gens intelligents.
J'aime mes amis.
La plupart (euh. Tous, en fait) sont omnivores.
Je te dis pas à quel point je me sens tiraillée quand je les vois manger un animal. Je te dis pas comme je me sens mal. Je te dis pas comme j'ai envie de les secouer et de leur expliquer que c'est horrible, de faire le choix du meurtre.
Je te dis pas à quel point j'aimerai que mon cauchemar reste un simple cauchemar, à quel point je voudrais vivre dans un monde où l'empathie serait plus présente et où personne ne serait capable de dire "ouais mais la viande c'est trop bon, je peux pas m'en passer !", où le fait de tuer inutilement ne serait pas tolérable.
Je te dis pas à quel point j'aimerai que personne ne soit assez horrible pour faire le choix du meurtre.
Oui j'ai dis que les omnivores étaient horribles.
Je suis une connasse de vegan intolérante.
Bisous bisous.

Et Simone et Simone et Simone

Je sais, j'ai déjà fais un article sur Simone de Beauvoir (quoique je sais plus, en fait, mais j'ai déjà dû parler d'elle), mais voilà, j'en étais pas satisfaite, et après avoir terminé de lire les deux tomes de La force des choses (mon rythme de lecture est redevenu déplorable (je sais, j'ai qu'à lire plus, tout simplement, au lieu de faire d'autres choses, mais que veux-tu, je suis en plein travaux de mon futur chez-moi, pas le temps de lire)), j'ai eu très très envie de vous faire un article. Mais comme j'ai eu un gros passage à vide entre temps, bah je vais vous en parler que maintenant.
(Au passage, la neuvième symphonie de Beethoven est à mourir de magnificence (non, ça n'a rien à voir, mais j'avais envie de le dire)(non mais vraiment, c'est trop beau)(non mais en vrai quoi)). Bref, après cette (ces) parenthèse musicale, parlons donc de Simone.

Elle est surtout connue pour avoir été la compagne de Jean-Paul Sartre, pour avoir écrit Le deuxième sexe (qui est un essais existentialiste (Simone de Beauvoir se rattachant à la philosophie de Sartre, mais non pas en tant que "femme qui suit son mari" (d'ailleurs ils n'étaient pas mariés), puisque sa vision de l'existentialisme différait de celle de Sartre, mais je vais pas développer ce point (ou si tu veux que je développe, t'as qu'à demander, je me ferais une joie de répondre à tes questions)), un essai existentialiste donc, et féministe) et pour ses Mémoires d'une jeune fille rangée, qui n'est en fait que le premier tome d'une série bien plus longue.
Donc, Simone, sa vie son oeuvre : elle est née en 1908 dans une famille de bourgeois, donc éducation religieuse, assez classique (dans le sens "bourgeois bien comme il faut"), dès son plus jeune âge elle montre déjà des capacités intellectuelles assez développées. Le sexe est, bien sûr, totalement tabou (genre sa mère elle collait entre elles les pages des livres qui contenaient des passages trop "olé olé"). Partant de ça, notre petite Simone va, un beau jour, vers l'âge de quinze ans il me semble, se découvrir athée, se mettre à avoir peur de la mort (il me semble, ça fait un petit temps que j'ai terminé les Mémoires d'une jeune fille rangée), et à se demander ce qu'elle fout sur cette terre (c'est très intéressant, ce point, car c'est en quelque sorte la question de base de l'existentialisme : qu'est-ce qu'on fiche ici ?). Elle décide que ce qui justifiera son existence, ce sera l'écriture.
Elle passe son agrégation de philo, rencontre Sartre (en fait, elle le rencontre avant de passer l'agrégation, au temps pour moi) et tout un tas d'autres qui vont former une joyeuse bande d'amis et de philosophes (enfin pour ce qui est de Sartre, ils vont surtout former un couple, mais en mode "relation libre" (je reviendrais d'ailleurs par la suite sur la relation Sartre/Simone, parce qu'elle est assez intéressante)). Après, elle devient enseignante, et écrit son premier roman, Primauté du spirituel, qui sera refusé par Gallimard (mais qui paraîtra ensuite sous le titre Anne ou quand prime le spirituel). Ensuite, la deuxième guerre mondiale, qu'elle retrace sous forme d'un journal publié dans La force de l'âge, le deuxième tome de ses mémoires.
(C'est assez intéressant de noter qu'au début de sa vie d'auteur, Simone est loin d'être un écrivain engagé. D'ailleurs au début de sa vie tout court, elle est loin d'être engagée.. En fait, elle est plutôt détachée du monde (elle se dit d'ailleurs apolitique), de son contexte historique et tout et tout. Il y a elle, Sartre qu'elle englobe en elle (au début, plus tard ce n'est plus le cas) et le reste du monde, à côté. Elle s'y rattache assez rapidement (je crois que c'est justement la guerre qui la projette face à la réalité du monde, mais ça fait aussi un certain temps que j'ai lu La force de l'âge), et commence à défendre ses convictions à travers la littérature, un engagement politique (quoique Sartre a été beaucoup plus présent sur la scène politique, mais elle en donne la raison dans La force des choses), et la création d'une revue, Les Temps Modernes.).

Bon, je crois que je t'ai brossé un portrait assez complet de Simone de Beauvoir (j'avoue, j'ai zappé la partie vieillesse, mais je vais y revenir), maintenant, je vais attaquer les points qui m'intéressent (enfin, c'est Simone, forcément, ça m'intéresse, mais, voilà quoi).

Donc, Simone, vers l'âge de 50 ans, a commencé à écrire ses mémoires (c'est d'ailleurs assez drôle puisqu'elle écrit dans La force des choses à propos du fait qu'elle écrit ses mémoires (enfin...drôle...bref.)). J'insiste sur le terme mémoires puisque ça diffère du roman autobiographique. D'ailleurs on peut classer Une mort très douce, l'un des tomes des mémoires de Simone qui relate la mort de sa mère, dans le roman autobiographique plus que dans le genre des mémoires. Oui et donc, en gros dans des mémoires, l'auteur racontent sa vie en tant que personnage historique, alors que dans un roman autobiographique (qui diffère encore d'un journal puisque le journal est tenu au jour le jour, le roman est écrit après les événements), il la raconte en tant que personnage. Et en fait, Simone se tient sur la limite, mais plus elle vieilli, plus elle tend vers les mémoires (enfin, je les ai pas tous lu, mais on voit nettement la différence entre les Mémoires d'une jeune fille rangée et La force des choses). Sans doute parce que plus elle vieilli, plus elle perd goût à la vie.
Oui parce qu'au début, tu trouves une fille très joyeuse, qui aime s'entourer d'amis, et que le malheur du monde n'atteint pas ou peu (enfin, il l'atteint, mais elle préserve quand même son bonheur personnel), qui voyage beaucoup (elle m'a presque donné envie de voyager, moi qui n'aime pas trop les voyages) et qui aime profondément la vie. Et c'est dans La force des choses qu'on observe un changement radical : une sorte de désillusion, de dégoût du monde, avec la guerre d'Algérie (qui l'a beaucoup affecté puisqu'elle s'est mise à se sentir mal en tant que française alors qu'elle en avait toujours été fière), Sartre qui se porte de plus en plus mal (sans déconner, le mec il était scotché à sa table de travail, il dormait jamais, il se dopait à je sais pas quoi...tout ça pour écrire et pour essayer de faire évoluer les choses. Non mais...j'admire l'abnégation), elle qui se fait attaquer de tous les côtés (d'ailleurs quand j'ai lu qu'elle s'était prise plein de critiques pour Tous les hommes sont mortels, je n'ai pas compris. C'est l'un des meilleurs livres que je n'ai jamais lu (en fait, avant, y'a Guerre et Paix. Et c'est tout. Parce que tu peux pas teste Tolstoï c'est le meilleur))(oh et, je vais probablement vous faire un article long et chiant sur Tolstoï, aussi. Un peu dans le style de celui-là). Bref, Simone a peu à peu perdu sa joie de vivre, et je dois dire...
Que ça m'a fait bizarre. J'admirais son parcours, j'admirais ce qu'elle était, sa façon de penser, et je me reconnaissais tellement en elle que parfois c'était effrayant, alors la voir tomber dans cet état d'abattement profond, ça m'a fait bizarre.
Je dois dire qu'au début, j'ai été déçue. Je la considérais comme un modèle à suivre, et au final, je n'avais pas envie de devenir comme elle (enfin, je veux dire, oui, j'adorerai devenir un écrivain dont le talent est presque mondialement reconnu, mais je n'ai pas envie de finir ma vie déprimée (attend, je l'ai déjà commencée déprimée, faut pas pousser les gars)), ça me rendait triste qu'elle soit devenue une femme triste. Un autre truc qui m'a rendue triste, c'est qu'elle buvait beaucoup et qu'elle fumait des joints de temps à autre. En fait ce dernier point m'a beaucoup perturbée.
Et après, je me suis rappelée, que cette chère Simone, elle était humaine. Qu'elle revendiquait son humanité, son imperfection, qu'elle était honnête et droite dans ses écrits (et c'est d'ailleurs une chose que j'admire chez elle) et qu'elle refusait qu'on la mette sur un piédestal.
Alors je l'ai prise comme elle était, et ses faiblesses ne me la rende que plus estimable (c'est-à-dire qu'il n'est pas nécessaire d'être parfait pour aider le monde)(aider le monde, c'était écrire le Deuxième sexe, par exemple.).

Ha oui, en parlant du Deuxième sexe et du fait que la philosophie de Simone de Beauvoir soit très proche de celle de son compagnon : non, ce n'est pas un paradoxe. En effet, le Deuxième sexe dénonce le manque d'indépendance des femmes. Cependant, Simone avait des pensées proches de celles de Sartre à la base, il n'aurait pas été logique qu'elle les renient juste pour faire style "je suis une femme qui ne pense pas comme son mari" (d'ailleurs, ils n'étaient pas mariés). Et leurs philosophies se différencient en ce que Sartre était plus abstrait, Simone elle cherchait une philosophie et des réponses dans les faits de la vie (pour résumer grossièrement).

D'ailleurs, la relation Simone/Sartre, parlons-en. Ils se sont extrêmement bien trouvé, et on vécu longtemps en harmonie. Comme pas mal de gens le savent, ils ont eu ce qu'ils appelaient des "amoures contingentes" (Sartre qualifiait Simone "d'amour nécessaire"), c'est-à-dire qu'ils étaient libres de nouer des relations avec qui bons leur semblait. Et ils en ont nouées des tas, des relations. Pourtant, même si à la fin de leur vie, ils n'étaient plus un couple au sens sexuel du terme (et ce depuis des années), il restait entre eux un lien fort, si fort que Simone considère cette relation comme sa plus belle réussite.
Je trouve ça très beau.

Et quant on parle de plus belle réussite, on est forcé de parler de Tous les hommes sont mortels. Oui parce que c'est, à mon sens, le meilleur livre qu'elle ait écrit (je les ai pas encore tous lus. Mais je tend à penser, au travers de ses écrits à propos de ses écrits, que c'est effectivement le cas). Enfin. Tu vois, l'Etranger, de Camus ? Tout le monde dit qu'il te retourne la tête et tout. Bah, La Nausée, de Sartre, je l'ai trouvé mille fois mieux. Pourtant ça m'a mis une grosse claque et j'ai mis un moment à sortir de ma torpeur post-livre.
Mais alors, Tous les hommes sont mortels. La pire claque de ma vie. J'ai passé une semaine à me demander à quoi servait ma vie. Ce livre te pose des tonnes de questions, et il laisse les questions ouvertes.
C'est une lecture difficile, pas parce que le style est assez simple à lire, mais parce que ça induit beaucoup de questionnements dérangeants, auquel on ne veut jamais penser.
Mais étrangement, j'aime beaucoup qu'il y ait des auteurs qui pointent ce sur quoi il faut réfléchir. Même si c'est plus difficile.

Bon et euh...Hésitez pas à me dire si ça vous énerve les pavés à propos de littérature ou d'auteurs...et merci si vous avez réussis à tout lire.
Paillettes.
Je reviendrais avec un article un peu plus léger et habituel.

vendredi 8 août 2014

Encore ?!

Y'a deux jours, je me suis fait tatouer pour la deuxième fois.
C'était pas prévu.
Ou presque pas.
Pour résumer, j'avais un projet que je mûrissais depuis quelques temps, et que je voulais me faire tatouer en octobre/novembre, après mes 18 ans.
Et, au final, je me suis fait tatouer un flash en promo. C'est à dire qu'une des tatoueuses du studio auquel je me suis fait faire mon premier tatouage a posté sur son facebook des petits dessins qui tournaient autour du même thème (des petits animaux des récifs coraliens) qu'elle avait envie de tatouer. Et elle les faisaient moitié prix.
Comment dire. Je suis tombée amoureuse d'un de ces dessins. Genre je l'ai fixé pendant dix minutes en me disant "JE VEUX CETTE CHOOOOOOSE !".
Et comme je suis quelqu'un d'impulsif, je suis allée demander à la tatoueuse (qui s'appelle Zelda) à combien elle le faisait. Et c'était grave dans mon budget. J'ai demandé à mon meilleur ami où il fallait que je le mette, il a dit la cuisse, j'ai dit bonne idée, sur la cuisse gauche ce sera impeccable (oui il me faut une certaine symétrie, j'en ai un sur l'omoplate droite, j'allais pas en refaire un à droite, ça aurait pas été logique). Après, je suis allée voir mes parents, j'ai dit : "les parents, je veux un autre tatouage. La promo de Zelda elle dure jusqu'en aout, j'ai de quoi me le payer, mais j'ai besoin de votre accord parce que je suis encore mineure. Sachant que si c'est pas avant les 18 ans, je l'aurais quand même, mais plus cher." Mon père il a dit "trop c'est moche" et on s'est engueulé. Ma mère elle a essayé de savoir ce que voulait dire ce tatouage pour moi, je lui ai dit "faut que je le fasse, c'est tout". (pour le moment, j'en étais là de ma symbolique de tatouage). J'ai finalement obtenu un "bon de toute façon maintenant ou plus tard ça change rien" de ma mère et un "pff j'te garanti vieux, que d'argent gaspillé pour toutes ces conneries" de mon père.

Soit. Du coup, j'ai dit à Zelda "ok, vas-y, on prend rendez-vous le 6 août à 14h". J'ai vite fait crié ma joie sur facebook, mais peu de gens savaient vraiment ce que j'allais me faire tatouer (en fait, il y a trois personnes qui ont vu le dessin avant). Parce que j'étais beaucoup moi sûre de moi que pour le caméléon. Je savais que je voulais ce tatouage, je le sentais dans tout mon être, mon instinct me disait "allez allez fait-le !", mais je sentais que si on me demandait pourquoi je le voulais j'allais répondre "c'est comme ça". Alors je me suis posée deux minutes et j'ai cherché à comprendre pourquoi c'était comme ça. J'ai trouvé, j'étais contente.

ça m'a pas empêchée de flipper comme une tarée la veille. Enfin. Tu vois. J'ai très très très peur des aiguilles (genre tu vois, les vaccins, il me faut 20 minutes avant d'accepter que l'aiguille m'approche à moins de 5cm). Et là, je savais que ça allait faire mal, je savais comment ça allait faire mal, bref, en gros, j'ai eu du mal à dormir. Me suis réveillée à 7h le lendemain matin, avec des courbatures de ma séance de course de la veille.
Sérieusement. Je n'ai jamais de courbatures, quand je cours. Sauf le jour où je dois me faire tatouer la cuisse. Bawi. C'est mieux.
Du coup,je me lève, j'écris un peu, je m'habille, je vais prendre le train, je rejoins ma pote dans Gre, on va manger à son appart (note à moi-même : c'est bon, les salades composées. Mais avant un tatouage, c'est mieux une assiette de pâtes), je commence à stresser comme une malade, du coup j'arrive plus à manger ni à boire, je veux qu'on y aille direct. Du coup comme ma pote est gentille, on part avec une heure d'avance pour se rendre au studio qui se trouve à environ 45 minutes. On arrive au bout de la ligne de tram, puis on marche jusqu'au studio, de plus en plus lentement (pas parce que mes plateformes me faisaient mal, mais parce que j'avais la trouille). Puis on finit par arriver au studio. Zelda me prévient qu'elle a encore un truc à finir, donc on attend. Vers 14h40, alors que j'avais fini par réussir à me relaxer, elle me dit "on y va ?". Donc on y va. J'enlève mes chaussures pendant qu'elle prépare son matos, puis elle me dit "on va poser le stencil", donc j'enlève mes collants, je relève ma jupe, et on passe un petit moment à essayer de voir comment qu'on le met pour que la typo soit lisible, qu'il soit pas trop décalé par rapport au centre de ma cuisse, puis elle me dit "bon, faudrait peut-être que tu enlève ta jupe, au cas où tu saignes ou autre". Du coup me voilà en culotte et débardeur au-dessus du nombril. Sympa. Je dois avouer que je me sentais très à l'aise.
Bon et puis je grimpe sur la table, et elle commence à piquer.
Aouch. C'était pas sensé faire moins mal, la cuisse ? Bref, elle pique, elle pique, elle pique. Au bout d'un moment, elle a fini le noir et la typo, ma pote s'en va, elle attaque un peu le bleu, puis elle me dit "attend relève toi j'ai effacé mon stencil". Donc elle va chercher des ciseaux pour enlever la typo, moi pendant ce temps j'étudie la bête dans le miroir, ça saigne déjà pas mal, du coup je prends une photo pour traumatiser ma petite soeur. Elle me recolle un stencil, et c'est reparti pour du bleu.
Je commence à douiller beaucoup. Fort heureusement, Zelda discute en même temps, donc c'est plus simple de penser à autre chose, en plus elle a des conversations très sympa. Elle pique, elle pique, elle pique. Moi je serre mon téléphone très fort entre mes doigts. Je commence à avoir faim et à me sentir faible, un peu. Elle pique, elle pique, elle pique. Puis, à un moment, elle me dit "bon, le bleu, c'est fini, faut que je nettoie ma machine et on passe au jaune." Donc je me relève, je vais voir, y'avait encore plus de sang, je refais une photo pour traumatiser ma sœur, Audrey (celle qui m'a fait mon premier tatouage) me dit : tient mets-toi là on fait une photo du caméléon", donc je dis euh ok mais euh y'a des gens et je suis presque à poil quoi en fait, mais je me met quand même là où elle a dit, elle râle parce que j'ai les marques de la table dans le dos, Zelda revient, elle me dit retourne sur la table, je retourne, j'observe encore la bête, je fais "oh c'est sympa la typo sans le trait pour souligner", elle fait "ha merde j'ai oublié attend".
Sérieux. Se refaire tatouer sur une zone qui était tranquille détendue ça fait plus d'une heure qu'on me pique plus, c'est pas cool.
Donc elle a fait le jaune, après.
Hé bah. J'avais vachement mal, hein. Mais le premier truc que je me suis dit quand le tatouage a été fini, c'était "Putain. J'en veux un autre.".
Bon, j'admet, le premier truc que je me suis réellement dit, c'était "Ouf, c'est terminé". Parce que quand même. J'avais un peu bobo à la cuisse.

Puis, après deux trois photos et un emballage de cuisse dans du cello (#jesuisunjambon), je suis repartie à Grenoble.
...A pied.
Je. Comment dire. Je boitais beaucoup. Et j'avais soif. Et faim. Et la tête qui tournait, un peu. J'ai fini par trouver un train, mon père a accepté de venir me chercher à la gare (non parce que ladite gare est à 1h à pied et que haha non mais non quoi).
Puis j'ai pris des fringues, j'ai enlevé le pansement parce que ça dégoulinait, et je suis partie en soirée.
ça c'était LA connerie tu vois. Parce que se réveiller le lendemain matin avec le mélange crème-lymphe-encre qui suinte à travers le pansement et devoir impérativement laver ton tatouage (sous la douche, donc) alors que tout le monde dort, c'est la loose.
C'est la loose de se la jouer McGyver avec un bout de sopalin et une éponge, debout dans la cuisine, en essayant de pas faire de bruit.
Et c'est la loose de se coucher à 4h du matin alors qu'il te faudrait 10h de sommeil pour récupérer complètement.
Bref. Si vous vous faites tatouer, manger bien avant, et dormez après. C'est mieux.

Et pour répondre à tous les "Encore ?!" du monde : oui, je me suis fait tatouer deux fois en neuf mois et j'ai pas encore 18 ans (bientôt).
Et je projette d'en faire encore pas mal. Parce que plus je tatoue mon corps, plus je l'aime.
Non, je n'ai pas peur de les regretter plus tard. Je ne peux pas les regretter plus tard. Je suis fière d'être tatouée. Je suis fière des heures à souffrir pour me faire encrer la peau. J'aime mes tatouages. Je les ai mérité, parce que j'ai souffert, physiquement et mentalement, pour arrive à chacun d'entre eux.
Et je les aimerai toujours, même délavés, même plissés et déformés. J'ai pas peur du vieillissement de mes tatouages. Je vieillirai avec eux.
Le tatouage, c'est la plus belle forme d'art. Elle est éternelle à l'échelle de nos vies, mais pourtant elle dure un battement de cil par rapport à un tableau.
C'est beau.

mardi 5 août 2014

[littérature] Lorenzaccio !

Il m'est apparu deux choses, c'est que, premièrement, je suis dévorée par le démon de la littérature, et j'en ai jamais parlé ici (le premier qui me dit que ça fait deux, je l'emplafonne). Deuxièmement, c'est que j'ai dû lire une dizaine de fois si ce n'est plus Lorenzaccio de Musset au cours de l'année scolaire (et j'ai eu 10 au bac de littérature dont le sujet portait sur ce bouquin. Bah, ça va, c'est pas comme si je continuais dans cette voie l'an prochain...(tuez-moi)). Que j'ai dû faire une vingtaine de brouillon d'article sur ce bouquin.
Et que bref, c'est de ça dont je vais vous parler aujourd'hui (il va y a avoir du gros gros gros spoil)(très gros)(lisez-le quand même, c'est de la bombe).

Donc, petit topo : Alfred de Musset, auteur romantique, XIXème siècle, amant de George Sand (elle-même assez connue en tant qu'écrivain). Un jour, cette chère George offre à son amant une scène qu'elle a écrite, Conspiration en 1537, elle-même inspirée des chroniques florentines de Varchi (un historien italien, il me semble). Musset s'en empare et écrit un drame romantique (je vais pas vous expliquer les codes du drame romantique mais en gros, rejet des règles du théâtre classique (de toute façon romantisme=rejet du classicisme) et inspiration du théâtre élisabéthain et notamment de Shakespeare (de toute façon théâtre élisabéthain=Shakespeare)) : Lorenzaccio. Qu'il publie dans le recueil Un spectacle dans un fauteuil, ce qui signifie qu'à la base la pièce n'était pas faite pour être mise en scène mais pour être lue.
D'ailleurs, petite parenthèse, vous voulez savoir pourquoi Musset écrivait du théâtre sans vouloir le faire jouer ? Parce que Musset a toujours été un petit génie, il avait beaucoup de facilités, et tout lui réussissait. Et puis il a fait une pièce (pas retenu le nom) qui a été un fiasco. Et il a été tellement mortifié en voyant que sa pièce était un échec, qu'il a plus jamais voulu faire jouer ses pièces devant qui que ce soit. Pas très courageux, le Musset. 
Bref, venons en à Lorenzaccio. Il y a deux points qu'il me semble essentiel d'aborder dans cette pièce, et trois personnages, et tout va se recouper et ça va être un joyeux bordel (et y'a que Remucer qui aura le courage de me lire jusqu'au bout (sauf s'il craint le spoil)).

Le premier point, c'est la politique.
Parce que cette pièce se déroule à Florence, dans l'Italie de 1537, sous le règne des Médicis et sous l'empire de Charles Quint. On voit, tout au long de l'intrigue, la tyrannie que le duc Alexandre de Médicis fait subir à son peuple, on voit le peuple qui s'énerve contre cette tyrannie, on voit les républicains parler de révolution, puis on voit que ni le peuple ni les républicains n'arrivent à vaincre cette tyrannie.
Pour t'expliquer un peu le sens que ça a, Musset écrit cette pièce vers 1830. Qu'est-ce qu'il se passe à ce moment là, en 1830 ? Je vous le donne en mille : l'échec de la révolution française, la mise en place de la monarchie de juillet. Dans la pièce, Alexandre, le tyran, meurt assassiné : on se dit : "chouette, les républicains vont pouvoir faire la révolution et le peuple de Florence cessera d'être opprimé !". Mais que nenni, mes amis. En fait, Alexandre il meurt, et il y a un autre tyran qui sort de l'ombre pour le remplacer (enfin, en fait c'est plus compliqué que ça). La révolution, dont les républicains ont tant parlé et qui a été tant attendue, n'a pas lieu, le peuple, qui se répand en injure face à cette Florence défigurée par Alexandre, essaye tant bien que mal de réagir (enfin c'est surtout la jeunesse qui réagit dans la pièce, il me semble que ça renvoie à des révoltes étudiantes qui avaient eu lieu à l'époque de Musset) mais il se fait éclater la gueule par les forces de l'ordre, bref.
On ne peut rien contre les tyrans, semble nous dire Musset. Eux n'ont rien pu contre leur tyran en 1537, nous, français de 1830, nous ne pouvons rien non plus, malgré les 3 siècles qui ont passé entre les deux. (ça me fait terriblement penser au "on ne peut rien" de Fosca dans Tous les hommes sont mortels de Simone de Beauvoir)(mais bref, on en parlera peut-être plus tard, de celui-là).

Passons maintenant au deuxième point : le masque.
L'un des grands thèmes de l'oeuvre, c'est l'opposition vertu/vice (qu'on retrouve dans deux des personnages dont je vais vous parler). Pour mieux vous en parler, je vais prendre une citation de Lorenzo : "l'Humanité souleva sa robe et me montra, comme à un adepte digne d'elle, sa monstrueuse nudité.".
En clair : les hommes portent tous le vice en eux. On le voit pas mal avec la vision que donne Musset du clergé (enfin bon, je rappelle qu'à l'époque de la révolution française (avec l'influence des philosophes des Lumières) le clergé était mal vu (Dieu, encore, ça allait (cf le déisme), mais les institutions autour, no way)) : on a des hommes qui, sous couvert d'être des hommes d'Eglise, se permettent d'intriguer pour obtenir le pouvoir, car comme le dit dans la pièce le cardinal Cibo, "rien n'est un pêché quand on obéit à un prêtre de l'Eglise romaine". Et ni rien ni personne ne va les condamner parce qu'ils ont l'apparence de la vertu, et cette apparence suffit à les rendre respectables. Lorenzo, qui n'a pas cette apparence de vertu, et qui se comporte en lâche et en débauché, est appelé Lorenzaccio (le préfixe "-accio" indique une connotation négative) et se cracher dessus (au sens figuré) par des gens qui ne valent pas mieux que lui mais qui se contentent de cacher leur perversion sous des dehors de vertu ("Il n'est pas de vice si frustre qui ne présente quelque dehors de vertu à l'extérieur", Le Marchand de Venise, Shakespeare.).
Et on se rend compte que parmi cette foule d'hommes de pouvoir, aucun n'est au-dessus des autres : ils sont tous aussi mauvais les uns que les autres, pas un n'est un modèle, pas un ne veut le bien du peuple, tous recherchent le pouvoir pour leur propre satisfaction.

Ces deux points abordés, il y a trois personnages dont j'aimerai vous parler.
Je vais commencer par la "moins intéressante", si j'ose dire : la marquise Cibo.
C'est l'une de mes préférées.
La marquise Cibo, elle est pétrie d'idéaux républicains. Elle aime passionnément sa patrie (Florence, donc). Forcément, elle voudrait faire changer les choses, forcément, elle voudrait voir la république, elle voudrait voir le peuple heureux, et Florence libérée de l'influence des allemands et du Pape. Mais, c'est une femme (c'est douloureux à dire pour mon féminisme), donc peu de pouvoir (de toute façon personne a de pouvoir, la tyrannie reste en place, j'vous rappelle). Alors elle va user du seul qu'elle a : sa beauté. Et le fait qu'elle ait séduit le duc (enfin ça c'était pas dur, c'est un chaud du cul, Alexandre de Médicis).
Donc, armée du fait qu'Alexandre ait décidé de la mettre dans son lit, elle va 1) coucher avec lui 2) essayer de convertir le tyran en dirigeant exemplaire au fil de conversations sur l'oreiller.
Faut pas croire, ça lui coûte beaucoup, à la marquise. Elle doit faire le choix entre ses idéaux, elle doit sacrifier sa vertu, son honneur de femme à un homme qui s'envoie en l'air à tout bout de champs et pour qui elle n'est qu'une source de divertissement supplémentaire. Elle choisi de faire le bien de sa patrie, tant pis si pour ça elle doit perdre son honneur, mettre en péril le lien qu'elle a avec son mari (c'est pas détaillé dans la pièce mais je pense qu'elle l'aime énormément) et coucher avec l'homme qui est la cause du malheur de Florence qu'elle aime tant.
Pauvre Ricciarda Cibo.

Et maintenant, je vais vous parler de Philippe Strozzi. Dans la pièce, c'est le chef des républicains, l'Honnête Homme par excellence, un vieillard qui a passé sa vie à penser au bien des hommes (en vrai, c'était pas trop trop ça, mais Musset avait besoin d'un Philippe honnête et droit). Un idéaliste qui s'est maintenant dans son idéal tout au long de sa vie, qui a vécu dans ses livres, à chercher des solutions pour rendre les hommes heureux sans jamais agir. Philippe, il aime Lorenzo, et il lui fait confiance, malgré tout, malgré son nom couvert de boue ("je me suis fait aveugle pour t'aimer"), il ouvre sa porte aux bannis et aux pauvres gens. Et pourtant..."On croit Philippe Strozzi un honnête homme, parce qu'il fait le bien, sans empêcher le mal" (note : je retrouve les citations de mémoire, il est possible que je me plante sur les virgules ou sur un petit mot, pardonnez-moi). Cette phrase résume à peu de chose près un des dilemmes qui m'animent : c'est une bonne chose, de ne pas agir de façon à encourager le mal, mais est-ce suffisant ? (on pourrait me répondre : "agir pour le bien, c'est d'une certaine façon agir contre le mal". Mais je suis pas exactement d'accord avec cette vision). A en voir Philippe qui ne fait que tenir de beaux discours, on peut en douter. On peut même douter de l'utilité du penseur qui reste en marge.
Oui, j'ai beaucoup douté de moi après avoir lu Lorenzaccio.

"Et me voilà, moi, Lorenzaccio !". Ce dernier paragraphe sera donc sur mon personnage favori, que j'aime, j'aime, j'aime. De tout le théâtre ça doit être mon préféré (décidément, j'aurais jamais envie de jouer un rôle féminin). Accessoirement c'est le héros de la pièce.
Lorenzo, donc. Que j'ai découvert en cours de litté, alors qu'on regardait une pièce qui ne m'emballait pas plus que ça (oui, Lorenzaccio ça m'emballait pas plus que ça au début. Honte sur moi (en même temps, je détestait ma prof, donc bon...)), à travers l'interprétation de Francis Huster.
J'ai cru mourir quand je l'ai vu jouer la scène 3 de l'acte III (je donnerai n'importe quoi pour la jouer un jour). C'était beaucoup trop beau. J'avais l'impression que Lorenzo exprimait tant de choses qui étaient en moi à ce moment là.
Loenzo, il était pur, il était jeune, il était beau. Il se préoccupait du bien de ses semblables, il étudiait les sciences et les arts, il avait rien demandé à personne, il voulait juste faire le bien.
Et un beau jour, il s'est dit qu'il allait tuer un des tyrans de la patrie. Comme ça, d'un coup. Il s'est dit qu'il allait commencer par le Pape, mais on l'a bannit avant.
Alors il est arrivé à Florence, lieu de débauche, de meurtre, et tout et tout, pour tuer son cousin Alexandre qui régnait alors sur la ville. Mais il s'est dit qu'il allait se la jouer subtil, plus qu'avec le pape. Il est devenu "ami" avec son cousin. Il l'a accompagné dans ses orgies, il buvait avec lui, il couchait avec des filles, bref, il s'est mis à jouer au débauché pour gagner. Et il s'est rendu compte que la majeur partie des gens étaient des débauchés. Alors il a été dégoûté de l'humanité.
Mais il tuera quand même le duc. Parce qu'il est dégoûté de l'humanité et qu'il se fout complètement du sors de ses semblables (enfin, il aime encore sa mère, sa tante, et Philippe Strozzi, mais en gros, c'est tout), mais qu'il ne peut plus revenir à sa pureté d'avant. ("oui, cela est certain, si je pouvais revenir à la vertu, j'épargnerai peut-être ce conducteur de bœufs. Mais j'aime le vin, le jeu, et les femmes, comprends-tu cela ?").
Ce personnage incarne la désillusion. Lorenzo, c'est un idéal brisé qui marche au milieu des hommes, qui se sent totalement étranger à eux, qui leur est pourtant si semblable, et qui se méprise pour cela.

Bref, Lorenzaccio se place dans ma liste de livre à lire une fois dans votre vie.

(cet article ne doit plus ressembler à rien)(bravo si quelqu'un a eu le courage de le lire)(j'offre un cookie à celui ou celle qui a le courage de commenter)