mercredi 6 avril 2016

Derniers coups de cœur culturels #2

ça fait looongtemps que je t'ai pas parlé des trucs qui font ma vie dans le domaine de la culture (la première et la dernière fois c'était avant mes partiels de janvier et là je vais attaquer ceux de mai alors...), et pourtant j'ai fais quelques petites découvertes entre temps.


Théâtre


Alors je suis pas allée voir tant de pièces que ça.
Mais j'en ai vu une, avec la Brunette (et depuis j'ai une carte d'abonnement à la MC2 il va falloir que je rentabilise mes 2€ engagés dans cette histoire) sur incitation de la Brunette. Et c'était vaaachement cool.

Les insoumises, Isabelle Lafon


Un cycle de trois spectacles : Deux ampoules sur cinq ; Let me try ; et Nous demeurons. Je te parlerai pas du troisième parce que je ne l'ai pas vu.
Mais les deux autres.

Le premier m'a séduite au premier regard parce que l'éclairage était constitué de lampes de poche et que le visage de l'actrice rousse prenant magnifiquement bien la lumière. Le fil conducteur de la pièce, c'était la poétesse russe Anna Akhmatova (oui, tu as bien lu, poétesse russe, comment aurais-je pu résister) et Lydia Tchoukouvskaïa. Tu avais les interactions entre ces deux poétesses, la censure, la mise à l'index, le contexte historique qui restait là, lourd, l'alchimie entre les deux actrices, le jeu sur les dates, bref j'étais tout à fait conquise, c'était plein d'humour, de réflexions, en résumé magnifique.

Le second, Let me try, était basé sur le journal intégral de Virginia Woolf, et si tu lis un peu ce blog tu sais que moi et Virginia Woolf c'est une immense histoire d'amour (et bien évidemment j'avais lu son journal, donc), donc c'était forcément le spectacle duquel j'attendais le plus et c'est forcément celui qui m'a le plus déçue parce que je crois que j'en attendais trop, mais j'ai eu l'impression qu'on avait le droit qu'à un revival de son journal et des analyses sur elle que j'avais déjà faites, alors forcément c'était beaucoup moins bien, j'avais l'impression d'entendre mes pensées et j'ai été tellement moins séduites par le jeu des actrices - il y en avait une en plus. Mais dans l'absolu je pense que ce spectacle était bon, c'est juste que je n'étais pas le bon public.


Lectures

On attaque mon morceau préféré. Etant en lettres modernes, je lis une bonne quantité de livres, mais j'ai du mal à me dégager du temps pour mes lectures loisirs. Dernièrement, j'ai lu pas mal de très bons livres pour les cours, alors je vais simplement vous présenter un tas de mes lectures comme si ça avaient toutes été des lectures perso (en fait, il n'y a qu'une lecture perso dans le tas, mais c'est parce qu'en plus des livres dont je vais vous parler, je lis des tas de trucs pour les cours qui sont purement théoriques).

Le Labyrinthe au bord de la mer, Zbigniew Herbert.
J'ai lu ce livre pour une de mes matières préférées (approche comparée des littérature européennes), et, honnêtement, j'ai adoré. Au fil des essais Herbert nous plonge dans différentes parties de la Grèce antique (et de la Crète, et de Rome, et on parle un peu des Étrusques aussi). Ce que j'ai beaucoup aimé c'est le jeu incessant d'analogies entre toutes ces périodes "antiques" et le contexte politique dans lequel écrit Herbert. C'est une lecture qui nous demande sans cesse d'aller chercher les références dans nos têtes et qui présente des analyses des périodes évoquées à la fois fascinantes et instructives.

Tenders Buttons, Gertrude Stein.
Un ovni poétique lu pour la LGC (littérature générale et comparée)(deuxième matière préférée)(#comparatistedanslâme). Honnêtement, je n'ai aucun soucis avec la poésie expérimentale et il y a longtemps que j'ai arrêté de me demander si tel ou tel texte était de l'art / poétique / peu importe, je tente à chaque fois de prendre le parti de l'auteur ou de l'artiste et de comprendre ce qui l'a mené à créer ça. Donc. Tenders Buttons est un recueil de poèmes de Gertrude Stein qui se présente sous la forme d'un manuel de bonnes manières (c'est pas moi qui le dit, c'est l'apparat critique). Mais en vrai ce sont des poèmes en prose qui prennent des choses du quotidien et qui. Dérivent. C'est le bon mot. Et c'est plus une expérimentation, une remise en cause absolue du langage que réellement des poèmes qui parlent de choses. Le langage lui-même devient un objet. C'est complètement fascinant d'ailleurs.

Odas elementares, Pablo Neruda.
Au départ je me disais que je n'allais pas aimer Neruda puisqu'il écrit en espagnol et que je n'ai jamais eu d'affinités avec l'espagnol (du tout)(jamais jamais). Et puis j'ai lu El hombre invisible. Et puis. Tout le reste. Et puis. Les Odes élémentaires c'est un chant de la vie quotidienne à la vie quotidienne. C'est beau. (Surtout l'ode à la joie. Surtout ça. Je vous la met à la fin de l'article d'ailleurs.). C'est vraiment vraiment beau et pourtant j'avais tendance à aller chercher la poésie partout sauf dans les choses simples. J'aurais dû. Merci la LGC.

Pièces, Francis Ponge.
Alors Ponge aussi, j'avais un préjugé négatif. Parce que dans le cours d'histoire littéraire, on me l'avait rendu obscur. En fait la poésie de Ponge est juste assez lumineuse et hermétique. ça parle de choses, encore une fois (c'est le thème du cours de LGC, en fait, la poésie des choses, totalement pongien comme intitulé d'ailleurs et je ne suis pas d'accord avec), et c'est très agréable à lire (bien la réflexion derrière soit complexe).

Le Cercle de craie caucasien, Bertolt Brecht.
Là, ça va être compliqué d'en parler. Grosso-modo, Remucer me harcèle parle de Brecht depuis un million d'années, et j'osais pas le lire, et puis finalement j'en ai emprunté à la BU et j'aime. Beaucoup. Même si je suis pas d'accord avec le fait qu'il est un génie parce qu'il sort le spectateur de son identification aux gens (ou alors je suis imperméable à Brecht) et que du coup ça permet je sais plus quoi (promis Remumu j'ai écouté tout ce que tu m'as raconté pendant tout ce temps), j'ai quand même beaucoup aimé le propos et la coloration gris-brune-mouillée-froide du texte qui m'a rappelée la littérature russe.

[Bon et comme je suis un peu nulle] (censuré par Remucer) je n'ai pas de vraies découvertes musicales à partager parce que je fais rarement des découvertes dont je me souviens et que j'ai une fâcheuse tendance à laisser tourner en boucle la même musique encore et encore et encore (je peux écouter la même chose pendant une semaine si je veux).
Je vous laisse avec Neruda (j'envisage de faire de cette rubrique quelque chose de mensuel ou de bi-mensuel (tous les deux mois), dis moi si tu aimes bien, si tu veux voir plus de trucs, si tu as plus de trucs à me conseiller...).

Ode à la joie

[...]
Joie, je t'ai dédaignée.
Je pensais mal.
La lune
m'a mené par ses chemins.
Les poètes anciens
m'avaient prêté des lunettes 
et contre toute chose
J'ai mis
un nimbe sombre,
sur la fleur une couronne noire,
sur la bouche aimée
un baiser triste.
Il est encore temps.
Permet que je me repente.
Je pensais
que si la ronce du tourment
ne brûlait pas
mon coeur,
si la pluie ne mouillait pas
mes vêtements
au pays violet du deuil,
si je ne fermais pas
mes yeux à la rose
ni ne touchais la blessure,
si je ne partageais pas toutes les douleurs, 
je n'aidais pas les hommes.
Ce n'étais pas juste.
J'égarais mes pas
et aujourd'hui, joie, je t'appelle.

Comme la terre
tu es
nécessaire.

Comme le feu
tu nourris
les foyers.

Comme le pain
tu es pure.

Comme l'eau d'un fleuve
tu es sonore

Comme une abeille
ton vol dispense le miel.

Joie,
j'ai été un jeune taciturne
je trouvais ta chevelure
scandaleuse.

Ce n'était pas vrai, je l'ai su
quand elle a dénoué
sa cascade dans ma poitrine.

Aujourd'hui, joie,
trouvée dans la rue
loin de tout livre,
accompagne-moi :

avec toi
je veux aller de maison en maison
je veux aller de pays en pays,
de drapeau en drapeau.
Tu n'es pas pour moi seul.
Nous irons aux îles,
aux mers.

[...]

Avec toi par le monde !
Avec mon chant !
Avec le vol entrouvert
de l'étoile
et la jubilation
de l'écume !

Je vais m'acquitter envers tous 
parce que je dois
à tous ma joie.

Qu'on ne s'étonne pas si je veux
remettre aux hommes
les dons de la terre
parce que j'ai appris en luttant
que mon devoir terrestre est
de propager la joie.
Et par mon chant j'accomplis mon destin.

4 commentaires:

  1. Trop beau cette ode à la joie ! J'aime !
    Belle découverte. Je ne suis pas très poésie, donc ça me plait bien quand quelqu'un me l'explique et fait découvrir ses coups de cœur. Merciii!

    Stéphanie

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. On a trop vite tendance à dire "je ne suis pas très poésie" (même si c'est vrai que c'est plus dur à aborder qu'un roman (et encore pas tous)), c'est dommaaaage. J'essaye d'en lire plus mais c'est vrai que c'est difficile à trouver ^^

      Merci pour ton commentaire =)

      Supprimer
  2. Oui, quand je dis que je ne suis pas très poésie, c'est parce que j'ai l'impression que ça demande plus d'efforts de lire de la poésie. Je trouve qu'on est plus mené par le souffle du poète, la lecture est moins fluide que dans un roman; il faut se plier à un rythme. C'est comme mettre le doigt dans un engrenage et être obligée de continuer jusqu'à la fin du poème. En même temps, les phrases n'ont pas toujours un sens concret et, parfois, je trouve que ça ne veut rien dire, ça me perturbe ! lol Enfin, voilà... :-)

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Haha c'est vrai que c'est assez difficile parfois (du style lire du Rimbaud, c'est un peu la complexité souvent). Mais je vais essayer de présenter un peu plus de poésie par ici.

      Supprimer