lundi 19 septembre 2016

Le sexe en gris

A force de traîner mes oreilles dans le milieu militant (même si je ne serais jamais une militante) j'ai appris des tas de mots pour définir les orientations romantiques et sexuelles des gens. Des. Tas.
J'avais pas appris la définition de mon mot à moi. J'avais pas appris que j'étais dans le spectre asexuel parce que j'avais pas cherché plus loin, pensant qu'ayant déjà eu des rapports sexuels et en ayant encore parfois je ne pouvais pas y rentrer. En fait si. Je suis graysexuel.le (oui je me parle au neutre quand ça me chante).

Alors oui, youpi, tu as une étiquette de plus, bravo Betta.
Une étiquette qui veut dire que tu as très peu d'attirance sexuelle et que globalement tu es pas franchement intéressée par ça mais que parfois tu en a envie alors tu le fais.
Qu'est-ce que ça change de le savoir, tu va me dire ?

Tout. Beaucoup. Quelque chose au moins.
ça change ce fort sentiment d'être anormale. Et ça enlève un peu de culpabilité. C'est pas que j'ai la flemme, c'est pas que j'ai un problème, c'est pas que je suis une mauvaise partenaire, je suis juste graysexuelle (je l'ai lu écrit avec un a en premier donc je vais continuer à l'écrire avec un a tapotement sur ta tête si ça te perturbe).
Parce que, que je le veuille ou non, ça met du conflit dans mon couple et ça fait du mal à tout le monde. Au copain de moi qui pense qu'il a un problème / qu'il n'est pas attirant / qu'il est nul, et à moi qui culpabilise de faire du mal en ayant pas envie et en écoutant cette pas envie alors que de mes 14 à mes 18 ans je n'ai trouvé aucun problème à me forcer.



L'étiquette elle fait du bien. Parce que depuis que j'ai 13 ans j'entends que le sexe c'est quelque chose de très désirable et qu'il faut le faire et pendant des heures. J'avais encore 14 ans et j'ai fais le sexe (NON je ne dirais pas "faire l'amour" parce que amour =/= sexe et je hais cette expression et ha ça fait du bien de le dire) avec un garçon et littéralement ça m'a laissé de marbre j'étais genre ha ok bah d'accord bah juste ça me fait rien je m'en fous. Je l'ai refais pour voir et dans ma tête je me disais mais comment je vais faire pour aimer ça c'est nul c'est chiant il se passe rien.
Bon après j'ai eu un peu de vie sexuelle (un peu trop) et grosso-modo à chaque fois que j'étais en couple dès que j'étais avec mes copains je faisais le sexe avec eux parce que je me sentais obligée. Je m'appliquais à être normale alors que. Néant. Je surjouais mon image de fille un peu slutty parce que je pensais que c'était le seul moyen pour qu'on m'aime mais pendant les rapports sexuels je partais ailleurs dans ma tête et je les laissais faire ce qu'ils voulaient avec mon corps.
C'était complètement malsain.
Et puis je sais pas avec le Fou au début je lui refaisais le scénario de "oh regarde comment je suis trop une fille qui fait le sexe trop bien" et puis ça m'a lassée. En fait. En parallèle j'ai commencé à m'épanouir dans la vie et à avoir de plus en plus d'activités, de trucs qui m'intéressaient et du coup...bah clairement passer du temps à faire le sexe ça me semblait pas utile. Genre j'avais autre chose à foutre. J'ai autre chose à foutre.

Est-ce que pour autant, je déteste le sexe et ne prend aucun plaisir ? Non. Quand je fais le sexe, c'est que j'en ai envie (maintenant) et donc j'aime bien. C'est juste vraiment pas fréquent de ouf mais c'est vraiment bien quand ça arrive.
Et en fait je vis vraiment bien cette situation. Je ne me sens pas dépossédée de mon corps, j'ai moins l'impression qu'il est un objet encombrant qui ne m'appartient pas, et savoir maintenant que je fais partie du spectre asexuel, ça me fait du bien, et je ne considère pas ça comme un problème ou une partie de moi qu'il faudrait guérir. Oui j'ai eu des traumas liés au sexe, mais ce n'est pas ça qui a fait que je suis graysexuelle, parce que je le suis depuis toujours (si je me repasse le film de ma vie amoureuse tout prend beaucoup plus de sens si j'intègre cette identité). Et c'est cool.

Du coup ça serait vraiment cool si on pouvait vraiment visibiliser les asexuels, les aromantiques, les polyamoureux (spoiler : le Docteur dans Doctor Who est polyamoureux. Deal. With. It.), les pansexuels, les homosexuels, les transexuels, les agenre, les non-binaires, bref, tout le monde. Parce que y'a pas du tout de modèle si tu veux te construire. Parce que (trop souvent) on va te dire que tu as inventé ton identité sur internet. En oubliant que si tu te retrouves à te rabattre sur internet c'est que les médias traditionnels ne parlent pas du tout de ça. Que ce sont les médias qui visibilisent la manif pour tous plutôt que les associations LGBT+. Bref, le journalisme et le bien que j'en pense, c'est pas le sujet.

Aujourd'hui j'ai appris que j'étais graysexuelle et c'était la joie.

(Note de service : ça y est les cours on repris et j'ai un EDT plutôt léger et bien organisé mais y'a des tas de galères administratives et mon ordi était pas réparé mais ça y est tout va aller un peu mieux niveau rythme de publication sur le blog.)

6 commentaires:

  1. Wouahou.
    Grosse révélation et grand merci.
    Je suis exactement ça. Ca fait des mois que je cherche le terme et que j'essaie de me renseigner sans succès. Parce que je ne fais pas beaucoup l'amour avec mon héros du quotidien, et que ça commence à poser problème. Pourtant il ne s'agit pas d'une baisse de désir. Je ne le trouve pas nul, ni moins sexy. Ca se passe toujours bien quand on le fait. Je prends du plaisir. Oui MAIS. J'ai pas envie. Enfin, j'ai ultra rarement envie.
    Quand j'étais ado, je pensais faire partie de la catégorie asexuelle, mais depuis que j'ai une vie sexuelle et que je ressens parfois le désir de le faire, je me disais que ce n'était pas ça ...
    Ca fait des mois que je me casse la tête à savoir si oui ou non j'ai un problème, un blocage, un truc. Sans succès.
    Tu viens de m'enlever une énorme épine du pied. Je vais me renseigner en profondeur sur la greysexualité.
    Comme toi, je me collais une image de coquine en couple pour pallier ça et puis ça m'a lassée. Comme toi je me suis épanouie et honnêtement, j'ai autre chose à faire. Mais pas mon chéri qui meurt de désir et qui ne comprend pas que je ralentisse la cadence.
    Je dois l'avouer, mon fantasme dans la vie, ce serait que mon chéri n'aies plus envie aussi. Pour ne plus ressentir la pression. Il ne me la met pas mais je sens son désir et je culpabilise un max.
    Je lui ferai lire ton article.

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    1. Oh bah. Je suis contente si ça a pu t'aider. C'est vrai qu'on ne parle pas assez de tout le spectre de l'asexualité, on s'arrête beaucoup trop à "tu as jamais d'envies sexuelles = tu es asexuel.le, tu en as = tu n'es pas asexuel.le" alors qu'en fait il y a beaucoup plus de nuances que ça.
      En tout cas je suis contente que cette article t'ai permis de mettre des mots sur ce que tu vivais, et j'espère que ça va aller avec ton chéri (le mien commence à se faire à l'idée que mais au début ça coinçait beaucoup, le fait d'avoir pu lui expliquer je crois que ça a fais du bien).

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  2. Quand j'ai commencé à lire ton article je me suis dit, "tiens, encore un article sur les asexuels, chouette", parce que j'aime bien en lire et que pendant longtemps (plusieurs mois en fait parce qu'avant je ne savais pas que ça existait) je m'y suis rattachée. En fait non, c'est mieux, parce que ça explique la nuance. J'ai beau dire que homo/bi/hétéro c'est un nuancier, bah j'ai pas été foutue de me dire que sexuel/asexuel c'en est un aussi.
    C'est ça le côté cool des cases, de ces termes trop précis et parfois agaçants : ils permettent d'informer, de dire qu'autre chose existe.
    Du coup je suis contente d'avoir lu ton article :)
    (Merci ? Je te remercie souvent pour tes articles. Je devrais le faire tout le temps.)

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    1. J'aime bien le terme de nuancier, j'avais jamais pensé à l'employer comme ça mais c'est un super moyen d'expliquer.
      Je suis d'accord, on peut ne pas se reconnaître entièrement dans une "case", dire qu'elle existe c'est en quelque sorte faire exister aux yeux de la collectivité.
      Merci à toi =)
      (je suis touchée, merci)

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  3. Je sais pas trop pourquoi, mais ces temps-ci j'ai envie d'écrire des histoires sur les asexuels. Je suis toujours autant incapable de mettre un mot sur ma propre sexualité (et je sens que j'en ai pas envie pour le moment) mais j'ai toujours été la défenseure de l'amour sous toutes les formes qu'il peut prendre. Et le fait que quelqu'un puisse éprouver de l'amour sans forcement d'attirance sexuel est en soit un concept qui me fascine et que j'approuve. Et qui n'est clairement pas assez représenté. J'ai envie d'explorer cette facette de l'humain sous toutes ces formes et étant en manque flagrant de ressources sur le sujet, je crois qu'il ne me reste plus que ma propre imagination...et mes dix petits doigts pour la consigner !
    Je balance cette petite pensée personnelle ici, un peu à l'arrache parce que j'avais envie de t'en parler mais...comment dire...pour l'instant c'est juste une pensée en l'air, sans rien de concret derrière (tu me connais --")

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    1. Ouiii j'approuve tellement ça ! (je te connais mais je veux bien voir un chapitre random voire des pistes de personnages et d'histoire)

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